De nouveau Rishyaçringa tint ce langage au Monarque: "Je vais célébrer un autre sacrifice, afin que le ciel accorde à tes voeux les enfants que tu souhaites." Cela dit, cherchant le bonheur du roi et pour l'accomplissement de son désir, le fils puissant de Vibhándaka se mit à célébrer ce nouveau sacrifice.
Là auparavant, étaient venus déjà recevoir une part de l' offrande les Dieux, accompagnés des Gaudharvas, et les Siddhas avec les Mounis divins, Brahma, le monarque des Souras, l' immuable Siva, et l' auguste Náráyana, et les quatre gardiens vigilants du monde, et les mères des Immortels, et tous les Dieux, escortés des Yakshas, et le maître éminent du ciel, Indra, qui se manifestait aux yeux, environné par l' essaim des Maroutes. Alors ce jeune anachorète avait supplié tous les Dieux, que le désir d'une part dans l' offrande avait conduits á l' açwamédha, cette grande cérémonie de ce roi magnanime; et, dans ce moment, l' époux de Sántá les conjurait ainsi pour la seconde fois: "Cet homme en prières, c'est le roi Daçaratha, qui est privé de fils. Il est rempli d' une foi vive; il s'est infligé de pénibles austérités; il vous a déjà servi, divinités augustes, le sacrifice d'un açwa-médha, et maintenant il s'étudie encore à vous plaire avec ce nouveau sacrifice dans l'espérance que vous lui donnerez les fils, où tendent ses désirs. Versez donc sur lui votre bienveillance et daignez sourire à son voeu pour des fils. C'est pour lui que moi ici, les mains jointes, je vous adresse à tous mes supplications: envoyez-lui quatre fils, qui soient vantés dans les trois mondes!"
"Ouí! répondirent les Dieux au fils suppliant du rishi; tu mérites que nous t'écoutions avec faveur, toi, brahme saint, et même, en premier lieu, ce roi. Comme récompense de ces différents sacrifices, le monarque obtendra cet objet le plus cher de ses désirs."
Ayant aussi parlé et vu que le grand saint avait mis fin suivant les rites à son pieux sacrifice, les Dieux, Indra à leur tête, s'évanouissent dans le vide des airs et se rendent vers l' architecte des mondes, le souverain des créatures, le donateur des biens, vers Brahma enfin, auquel tous, les mains jointes, ils adressent les paroles suivantes: "O Brahma, un rakshasa, nommé Râvana, tourne su mal les grâces, qu'il a reçues de toi. Dans son orgueil, il nous opprime tous; il opprime avec nous les grands anchorètes, qui se font un bonheur des macérations: car jadis, ayant su te plaire, O Bhagavat, il a reçu de toi ce don incomparable. 'Oui, as-tu dit, exauçant le voeu du mauvais Génie; Dieu. Yaksha ou Démon ne pourra jamais causer ta mort!' Et nous, par qui ta parole est respectée, nous avons tout supporté de ce roi des rakshasas, qui écrase de sa tyrannie les trois mondes, ou il promène l' injure impunément. Enorgueilli de ce don victorieux, il opprime indignement les Dieux, les rishis, les Yakshas, les Gandharvas, les Asouras et les enfants de Manou. Là ou se tient Râvana, la peur empêche le soleil d'échauffer, le vent craint de souffler, et le feu n'ose flamboyer. A son aspect, la guirlande même des grands flots tremble au sein de la mer. Accablé par sa vigueur indomptable, Kouvéra défait lui a cédé Lanká. Suave-nous donc, ô toi, qui reposes daus le bonheur absolu; sauve-nous de Râvana, le fléau des mondes. Daigne, ô toi, qui souris aux voeux du suppliant, daigne imaginer un expedient pour ôter la vie à ce cruel Démon." Les Dieux ayant ainsi dénoncé leurs maux à Brahma, il réfléchit un instant et leur tint ce langage: "Bien, voici que j'ai découvert un moyen pour tuer ce Génie scélérat. Que ni les Dieux, a-t-il dit, ni les rishis, ni les Gandharvas ni les Yakshas, ni les rakshasas, ni les Nágas même ne puissent me donner la mort! Soit lui ai-je répondu. Mais, par dédain pour la force humaine, les hommes n'ont pas été compris daus sa demande. C'est donc par la main d' un homme, qu'il faut immoler ce méchant." Ainsi tombée de la bouche du créateur, cette parole salutaire satisfit pleinement le roi des habitants du ciel et tous les Dieux avec lui. Lá, dans ce même instant, survint le fortuné Visnou, revêtu d' une splendeur infinie; car c'était a lui, que Brahma avait pensé dans son âme pour la mort du tyran. Celui-ci donc avec l'essaim des Immortels adresse à Vishnou ces paroles: "Meurtrier de Madhou, comme tu aimes á tirer de l'affliction les êtres malheureux, nous te supplions, nous qui sommes plongés dans la tristesse, Divinité auguste, sois notre asyle!" "Dites! reprit Vishnou; que dois-je faire?" "Ayant oui les paroles de l'ineffable, tous les Dieux repondirent: Il est un roi nommé Daçaratha; il a embrassé une très-duré pénitence; il a célébré même le sacrifice d'un açwa-medha, parce qu'il n'a point de fils et qu'il veut en obtenir du ciel. Il est inébranlable dans sa piété, il est vanté pour ses vertus; la justice est son caractère, la verite est sa parole. Acquiesce donc à notre demande, ô toi, Vishnou, et consens à naître comme son fils. Divisé en quatre portions de toi-même, daigne, ô toi, qui foules aux pieds tes ennemis, daigne t' incarner dans le sein de ses trois épouses, belles comme la déesse de la beauté." Náráyana, le maître, non perceptible aux sens, mais qui alors s' était rendu visible, Náráyana répondit cette parole salutaire aux Dieux, qui i invitaient à cet heroique avatára. Quelle chose, une fois revêtu de cette incarnation, faudra-t-il encore que je fasse pour vous, et de quelle part vient la terreur, qui vous trouble ainsi? A ces mots du grand Vishnou: "C'est le démon Rávana, reprirent les Dieux; c'est lui, Vishnou, cette désolation des mondes, qui nous inspire un tel effroi. Enveloppe-toi d'un corps, humain, et qu'il te plaise arrâcher du monde cette blessante epine; car nul autre que toi parmi les habitants du ciel n'est capable d'immoler ce pécheur. Sache que longtemps il s'est imposé la plus austére pénitence, et que par elle il s'est rendu agreable au suprême ayeul de toutes les créatures. Aussi le distributeur ineffable des gràces lui a-t-il accordé ce don insigne d'être invulnérable à tous les êtres, l' homme seul excepté. Puisque, doué ainsi de cette faveur, la mort terrible et sûre ne peut venir à lui de nulle autre part que de l'homme, va, dompteur puissant de tes ennemis, va dans la condition humaine, et tue-le. Car ce don, auquel on ne peut résister, élevant au plus haut point l'ivresse de sa force, le vil rakshasa tourmente les Dieux, les rishis, les Gandharvas, les hommes sanctifiés par la pénitence; et, quoique, destructeur des sacrifices, lacérateur des Saintes Ecritures, ennemi des brahmes, dévorateur des hommes, cette faveur incomparable sauve de la mort Rávana le triste fléau des mondes. Il ose attaquer les rois, que défendant les chars de guerre, que remparent les élephants: d'autres blessés et mis en fuite, sont dissipés ça et là devant lui. Il a dévoré des saints, il a dévoré même une foule d'apsaras. Sans cesse, dans son délire, il s'amuse à tourmenter les sept mondes. Comme on vient de nous apprendre qu' il n'a point daigné parler d'eux ce jour, que lui fut donnée cette faveur, dont il abuse, entre dans un corps humain, ô toi, qui peux briser tes ennemis, et jette sans vie à tes pieds, roi puissant des treize Dieux, ce Rávana superbe, d'une force épouvantable, d'un orgueil immense, l'ennemi de tous les ascètes, ce ver, qui les ronge, cette cause de leurs gémissements."
Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, Finit le quatorzième chapitre, nommé: UN EXPÉDIENT POUR TUER RÁVANA.
HIPPOLYTE FAUCHE.